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POLITIQUE/ MALI - LUTTE CONTRE LE JIHADISME : Après le départ de Barkhane, qu’est-ce qui a changé ?

Colonel Assimi Goïta, le Président du Mali
Colonel Assimi Goïta, le Président du Mali.

Le Mali dirigé par le Colonel Assimi Goïta a non seulement poussé la France à quitter son pays mais l’a accusé aussi devant l’ONU d’avoir « collecté des renseignements au profit des groupes terroristes » afin de « leur larguer des armes et des munitions ». Des accusations très graves pour lesquelles les autorités du pays ont pourtant été incapables d’apporter des preuves formelles à l’Assemblé générale de l’ONU de 2022. Contrairement à ce qu’elles avaient laissé accroire.

« Le pays est dans une situation difficile, mais nous avons décidé de rencontrer tous les acteurs de la société civile, de la classe politiques ainsi que tous les cadres et commis de l’États, pour formuler des recommandations de sortie de crise. En tant que citoyens, nous devons contribuer à la construction du pays. Nos recommandations seront transmises aux autorités ». C’est notamment en ces termes que le président du Haut conseil islamique (HCIM), Cheick Chérif a fait sa sortie publique à la fin décembre 2022. 

Contrairement aux affirmations de la junte militaire au pouvoir, Cheick Chérif Ousmane Madani Haidara, bien qu’ayant décidé d’accompagner les autorités maliennes, n’a pourtant pas manqué de souligner sa déception. Face à la situation sociopolitique qui sévit dans le pays, il a laissé s’échapper quelques petites phrases qui en disent long sur son ressentiment. Tout en indiquant que la situation a empiré, il a dit : « ça ne va pas, ni sur le plan sécuritaire, ni sur le plan alimentaire ». Et il a invité tous les autres chefs religieux du pays à dire la vérité sans ambages au Président Assimi Goïta et ses hommes, en leur recommandant « de donner des conseils et de dire la vérité aux autorités si elles sont sur le mauvais chemin ».

Victoria Nuland, la Sous-secrétaire d'État américaine aux Affaires politiques qui a effectué une tournée en Afrique de l'Ouest du 16 et le 20 octobre 2022. Elle a échangé notamment avec les autorités de la Mauritanie, du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Son constat a été on ne peut plus clair, à savoir que la menace jihadiste est en train de gagner en ampleur en Afrique de l’Ouest. Et elle a prévenu les uns et les autres sur la tentation des mercenaires Wagner.

Concernant le Burkina Faso, a parlé du terrorisme, de la tentation Wagner et de la transition politique. Dans sa conférence de presse sanctionnant sa tournée, elle a ainsi déclaré : « Le président burkinabè par intérim, Ibrahim Traoré, a été sans ambiguïté. Les Burkinabè défendront eux-mêmes la sécurité de leur nation. Ils n'ont pas l'intention de faire appel au groupe Wagner. Nous avons été très clairs avec lui sur les risques encourus si un jour ils changeaient d'avis. Et nous avons parlé de la manière de continuer à soutenir les efforts de l'armée pour repousser les terroristes, sans le soutien extérieur de la Russie et Wagner ».

A propos du Mali où les mercenaires Wagner sont déjà bien installés sur place, Victoria Nuland a clairement indiqué que la situation sécuritaire ne s’est pas améliorée. Bien au contraire, elle continue de s’amplifier en se dégradant. Et de déclarer :

« Au Mali, nous avons été très clairs sur nos inquiétudes. La junte malienne a invité Wagner dans le pays. Et la situation terroriste n'a fait que s'aggraver. Les Russes fournissent un peu d'équipement, mais ce matériel fonctionne mal. On l'a vu récemment avec la fourniture d'un avion qui s'est écrasé et a fait des victimes civiles. Il y a de nombreux rapports d'abus contre les populations, ils encouragent les forces maliennes à interdire à la Minusma l'accès à une partie du centre du pays. Et nous nous inquiétons que ces forces ne soient pas intéressées par la sécurité des Maliens, mais plutôt par leur enrichissement personnel et l'argent du Mali. Les pays voisins sont très inquiets. On travaille avec eux notamment sur leurs frontières pour que Wagner et le terrorisme restent côté malien ».

Tous les observateurs avertis sont formels que les attaques terroristes ont augmenté et que la junte militaire au pouvoir a manifestement du mal à y faire face. Et les spécialistes indiquent que le nombre d'attaques terroristes a augmenté de 30% durant les six derniers mois ayant précédé la visite de Victoria Nuland, la Sous-secrétaire d'État américaine aux Affaires politiques. 

La diplomate américaine ne s’est pas embarrassé e protocole pour conclure en ces termes : « Ce gouvernement intérimaire, a fait de très mauvais choix en faisant venir Wagner et en les associant à son dispositif sécuritaire et nous en voyons les résultats avec une violence et des actes de terrorisme en augmentation et les forces des Nations Unies poussées vers la sortie ».

La junte militaire qui, après avoir longtemps nié la présence des mercenaires russes du groupe Wagner, a fini par l’admettre n’est cependant pas de cet avis. Elle continue à soutenir que la situation sécuritaire s'est clairement inversée en faveur des forces armées maliennes. Mais, à l’heure actuelle où elle est vivement critiquée de toutes parts, peut-elle dire autre chose ? Seulement, il y a des indices qui ne trompent pas quant à l’aggravement de la situation avec les attaques terroristes qui n’ont de cesse de se multiplier.

Pour des raisons qui sont propres à la junte militaire au pouvoir à Bamako, elle a décidé de faire appel aux paramilitaires du groupe de sécurité privé russe Wagner, et de rompre avec la France, son ancienne puissance coloniale qu’elle  a accusé de tous les maux du Mali. Y compris de soutenir les Jihadistes. En privilégiant ses relations avec Moscou, la tentative de justifier ses dernières accusations contre la France à l’Assemblée général de l’ONU s’est révélée comme un fiasco. Le Mali n’ayant pas pu apporter les preuves formelles qu’il disait détenir en criant sur tous les toits. Bien au contraire, les accusations se sont bien se révélées comme un boomerang diplomatique et se retourner contre le Mali, à force de vouloir trop tirer sur l’accélérateur du populisme ou du sentiment anti-Occident. 

Faut-il le rappeler, les relations entre la France et la junte militaire au pouvoir au mali n’ont jamais été apaisées. Si l’implication des mercenaires russes de Wagner dans le pays sont sans doute à la base de désamour, il a été sans doute dicté par des calculs politiciens du côté malien. A force d’échanges peu diplomatiques, elles ont fini par s’envenimer. Au point que l’Ambassadeur de France, Joël Meyer, a été sommé de quitter le Mali dans un délai de 72 heures en février 2022 et qu’un ultimatum a été donné aux militaires français pour quitter le pays. Et le lundi 15 août à 13 heures, l’Etat-major de l’Armée française a annoncé sur Twitter que « les derniers militaires français de l’opération Barkhane encore sur le sol malien ont franchi la frontière entre le Mali et le Niger. Ils provenaient de la plate-forme opérationnelle désert de Gao, désormais transférée aux Forces armées maliennes (FAMa) ». Depuis, la Force française Barkhane s’est repositionnée au Niger. Et même si la force Barkhane a été chassée du Mali par la junte militaire au pouvoir depuis 2020, laquelle a fait appel aux mercenaires russes du groupe paramilitaire  Wagner, il n’en demeure pas moins qu’environ 3 000 militaires français sont toujours déployés dans le Sahel. Au nombre desquels quelque 1 730 sur le territoire du Niger.

Depuis, à vrai dire, la situation sécuritaire n’a fait que se dégrader sur le terrain et dans l’ensemble du pays. Le 30 Janvier 2023, RFI a même donné une information exclusive selon laquelle Iyad Ag Ghaly a rencontré des représentants des groupes armés du Nord, signataires de l'accord de paix de 2015au Nord du Mali. Le ou les entretiens se sont déroulés près de Kidal. Le chef du JNIM (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), lié à al-Qaïda, souhaiterait concentrer les efforts de tous contre le groupe État islamique mais sans passer d'alliance formelle avec ceux-ci. Une situation qui montre, si besoin en était encore, que le Nord du Mali échappe totalement au contrôle de la junte militaire au pouvoir à Bamako et aux mercenaires du Groupe Wagner censés venir l’aider à mettre un terme à cette situation.

Par Jean Kebayo

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