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TRIBUNE : Du Paléolithique aux étoiles

Notre capitale économique accueille depuis quelques jours la seconde édition du forum africain sur l’espace organisée par l’Union africaine. Elle réunit environ 300 décideurs, ingénieurs, ainsi que des entreprises du domaine spatial du continent. Selon l’Union africaine, en 2021, le domaine spatial a généré près de 20 milliards de dollars et l’on assiste depuis quelque temps à une nouvelle course vers l’espace. Alors que jusque-là seuls des Etats s’intéressaient à l’espace, aujourd’hui des entreprises privées y investissent de plus en plus, ce qui signifie que le secteur est très porteur. Il n’y a donc aucune raison pour que le continent africain ne s’intéresse pas à son tour à l’espace. Selon M. Eric N’guessan, le secrétaire général de l’Association africaine pour la technologie et l’innovation cité par RFI, « l’idée novatrice c’est que du début jusqu’à la fin de la chaîne, on connaisse toutes les compétences, toutes les ressources intellectuelles pour que nous formions les jeunes. Nous formons aux maths, nous formons à l’électronique, nous formons à la programmation pour que l’on puisse maîtriser toute la chaîne pour arriver au satellite. Aujourd’hui on est capable de maîtriser cette chaîne. Le dernier maillon, c’est le lanceur. » Ainsi, toujours selon RFI, le Gabon s’est lancé en février 2021 dans l’industrie spatiale, pour mieux maîtriser les changements climatiques et obtenir des données fiables du couvert forestier pour calculer l’émission de gaz à effet de serre. Et, selon M. Aboubakar Mambimba Ndjoungui, directeur adjoint de l’Agence gabonaise d’études et d’observations spatiales, « avant on dépensait beaucoup de millions de francs CFA, beaucoup de personnel pour engager des missions sur le terrain qui duraient six, sept mois, pour aller faire l’inventaire forestier. Avec le satellite que nous avons aujourd’hui, on a peu de monde sur le terrain, on va seulement dans des endroits où il manque des données. On a gagné en temps et en finance. On a un apport très important sur les questions liées aux inondations : les outils satellites nous permettent en effet d’identifier les zones inondables, et éviter les catastrophes naturelles. »

Je ne peux que féliciter nos autorités africaines pour ces initiatives qui nous permettront ne plus être à la traine dans la course aux étoiles. Cependant, je me demande si, avant de rêver aux étoiles ou tout au moins concomitamment, nous ne ferions pas aussi mieux de chercher à garder solidement nos deux pieds sur terre. On nous dit que les satellites nous permettront de mieux maîtriser la gestion de nos forêts, la météo, les inondations, etc. Mais pendant que nous cherchons à développer tout cela, nos paysans travaillent encore avec des instruments datant du paléolithique ou presque, à savoir la machette et la daba. Pourquoi ne travaillons-nous pas aussi à faire évoluer ces techniques agricoles ? Aujourd’hui, et depuis toujours d’ailleurs, la plupart de nos pays d’Afrique subsaharienne dépendent de l’agriculture pour leur survie. Nous sommes fiers de dire que nous avons les dernières terres arables du monde. Mais qu’en faisons-nous ? Comment les exploitons-nous ? Nos paysans ont la plus faible productivité au monde. Parce que nous utilisons tout simplement des techniques archaïques pour cultiver nos terres. Partout dans le monde on utilise des tracteurs de plus en plus sophistiqués pour cultiver les champs. Sauf en Afrique subsaharienne où nos seuls outils sont la daba et la machette. En 2023. Il ne s’agit pas pour nous de réinventer le tracteur. Il s’agit simplement de l’adapter pour qu’il nous fasse des buttes d’igname par exemple, ou de le simplifier suffisamment pour qu’il soit à la portée de la bourse de nos paysans. Aucun des ingénieurs que nos pays ont formés à grands frais n’y a travaillé. Et aucun de nos pays n’a engagé ses scientifiques et ingénieurs formés à grands frais à y travailler. Parce que les Européens ne se sont jamais intéressés à cette problématique qui n’est plus la leur, pour que nous les suivions. Parce que tout ce que nous savons faire, c’est suivre les autres. Nous n’avons jamais cherché à résoudre nous-mêmes nos problèmes. Aujourd’hui tout le monde parle de l’espace. Alors nous nous y engouffrons aussi. En sachant que nous n’avons aucun moyen pour rivaliser avec les autres. N’oublions pas que ceux qui sont dans l’espace aujourd’hui ont d’abord réglé le problème de la productivité de leurs paysans. En leur donnant des tracteurs et des engrais. Et leurs populations n’ont plus faim. Nous, nous produisons ce qu’il faut pour faire des engrais, mais c’est l’Ukraine qui les fabrique. Et si, avant de chercher à fabriquer des satellites, ou en même temps, nous cherchions aussi à régler ces questions en priorité ?

J’avais plusieurs fois déploré dans ces colonnes le fait que nous ne cherchions pas à fabriquer des machines pour piler nos foutous, mils, maïs et autres. Nous pouvons nous réjouir. Les Chinois ont fabriqué la machine à faire le foutou. Maintenant comment nous convaincre de l’utiliser afin de laisser nos femmes et servantes s’occuper à autre chose afin que leurs sueurs ne mouillent plus nos plats ? Il faudra patienter encore de très longues années.

Par Venance Konan

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