Communication Afrique Destinations

TRIBUNE : En attendant le miracle

Il y a une vingtaine d’années, on me raconta l’histoire d’une prospère femme d’affaires ivoirienne qui fut braquée chez elle par des bandits. Ils emportèrent plusieurs dizaines de millions de nos francs. L’enquête démontra très vite que les bandits avaient bénéficié d’une complicité au domicile de la dame. Et il s’avéra qu’il s’agissait du maître de maison de ses enfants. Il avoua son forfait, précisant qu’il l’avait commis pour trouver de quoi se payer un permis de conduire. Après le braquage, les bandits avaient été corrects avec lui, et lui avaient remis la somme de 100 000F dont il disait avoir besoin pour passer son permis. Eux, étaient partis avec des dizaines de millions de francs. Le maître de maison fut le seul appréhendé et fut le seul condamné à une très lourde peine de prison.

Cette histoire m’est revenue en tête lorsque l’une de mes amies m’a raconté une discussion qu’elle avait eu avec des Asiatiques. Ces derniers s’étonnaient de la facilité avec laquelle nous leur bradions nos richesses. Elle me raconta que l’un de ses interlocuteurs prit cet exemple : « Lorsque nous savons que le bien que nous convoitons vaut par exemple 100 millions de francs, nous sommes prêts à payer jusqu’à dix millions pour corrompre celui qui a la signature. Mais très souvent, à notre grand étonnement, lui-même ne demande qu’un million de francs. » J’ai vu récemment des reportages réalisés par le journaliste camerounais Alain Foka en République Démocratique du Congo et en Guinée. Dans le premier pays, une entreprise minière chinoise interdisait à un ministre congolais de mettre les pieds sur ses installations. Et dans la réalité des choses, personne en RDC ne savait ce que cette entreprise faisait exactement dans sa concession qui était devenue une enclave totalement autonome dans le pays, elle seule savait ce qu’elle extrayait et exportait. Le reportage en Guinée montrait à peu près la même chose. Les minerais extraits étaient directement acheminés sur un bateau sans qu’aucune autorité guinéenne ne puisse contrôler la quantité qui partait. Dans un autre reportage réalisé par une télévision française, un ministre du Congo Brazzaville racontait qu’une grande compagnie pétrolière française interdisait aux autorités congolaises de vérifier la quantité de pétrole qu’elle produisait. Un autre nous montrait des petits avions qui atterrissaient sur des petites pistes de terre en pleine forêt en RDC, emportant de précieux minerais au nez et à la barbe des autorités de ce pays.

C’est ainsi donc que nos Etats sont pillés de toutes leurs ressources, pendant que nos populations croupissent dans la misère. Bien évidemment, personne ne nous fera croire que tout cela se fait sans la complicité des autorités de ces pays qui sont si promptes à brandir leur souveraineté. Quelque part, quelqu’un a nécessairement touché quelque chose pour fermer les yeux ou pour ordonner à ceux qui devraient avoir les yeux ouverts de les garder fermés. Pour quoi ? Pour des sommes qui leur semblent astronomiques, mais qui sont en réalité dérisoires pour les corrupteurs. Qui parmi nos décideurs sait exactement ce que vaut un kilo de manganèse, de cobalt, de cuivre, d’uranium, de bauxite, de fer, et surtout quelles quantités de ces minerais se trouvent dans telle mine ? Ce qui intéresse le décideur est la somme qu’il lui faut pour réaliser un projet, genre construire une maison qui écraserait celles des voisins, acheter une deuxième, troisième ou quatrième voiture ou épouse, financer une campagne électorale, etc. 

L’intérêt du pays ? C’est une notion que l’on n’a pas encore réussi à traduire dans nos langues nationales. Intérêt personnel, intérêt du clan, oui ça, on connaît.

Il faut dire à la décharge de ces personnes que nos populations ne sont pas très exigeantes envers elles. Tout ce qu’elles demandent, ce sont des miracles. Et les vendeurs de miracle, il y en a beaucoup sous nos tropiques. Dans ma petite rue à Bingerville, il y a au moins cinq églises ou temples qui en promettent et elles ne désemplissent pas. Et certains vendeurs de miracles sont de vraies stars des réseaux sociaux qui ont dans leurs relations des personnalités très haut placées au niveau de la hiérarchie des décideurs.

Par Venance Konan

Ajouter un commentaire

Le code langue du commentaire.

HTML restreint

  • Vous pouvez aligner les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
  • Vous pouvez légender les images (data-align="center"), mais également les vidéos, citations, etc.
Communication Afrique Destinations