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TRIBUNE - VIE POLITIQUE : Et si on changeait de paradigme ?

Serge Mathias Tomondji
Serge Mathias Tomondji.

Question à qui de droit : « Nos hommes politiques d’aujourd’hui, à l’exception de quelques-uns, sont-ils de grands hommes ? » Ce n’est pas moi qui pose la question, mais plutôt l’écrivain guinéen Camara Laye, décédé le 4 février 1980 à Dakar, au Sénégal. En posant cette question en 1978 dans son ouvrage Le Maître de la parole, l’écrivain guinéen avait répondu que « c’est douteux ». Camara Laye doutait ainsi, en 1978 — il y a 44 ans maintenant — que nos hommes politiques furent de grands hommes. Car, avait-il alors expliqué, « ils font de la politique une entreprise sanglante. Ils affament nos peuples, exilent nos cadres, sèment la mort ! »

Qu’est-ce qui a vraiment changé aujourd’hui, 44 ans après ce diagnostic-coup de poing ? La politique reste malheureusement, pour une large part et sous diverses formes, une entreprise funeste, dans laquelle ceux qui sont au pouvoir écrasent ceux qui leur ont servi d’escabeau pour grimper au sommet. Les peuples sont toujours affamés, des cadres et autres adversaires se retrouvent dans l’obligation de s’exiler, si on ne fait pas en sorte qu’ils restent loin de leur patrie et, parfois, la mort signe pour certains, de façon précoce et inattendue, son fatal arrêt.

De plus, ci et là, des millions de personnes dorment chaque jour sans avoir de quoi faire bouillir marmites et casseroles, alors qu’elles doivent déjà subir les assauts répétés de leurs semblables mal intentionnés, experts dans le démantèlement du corps social et de la concorde communautaire.

QUE DES SLOGANS, DES APPÂTS ?

Pourtant, ils nous ont fait tant rêver, les hommes politiques, quel que soit par ailleurs leur plumage. Qu’ils soient civils ou militaires, la plupart de ceux qui ont géré les affaires politiques dans nos pays ont fait, les uns après les autres, miroiter l’eldorado à leurs populations, vendant, en surfant sur nos misères et notre réalité d’éternels assistés, le faux label d’« une société où il fera bon vivre pour chacun et pour tous ». Que des slogans, des appâts au bout de l’hameçon de la pêche aux voix pour des urnes qui sonnent le « coup KO » d’une victoire sans coup férir au lendemain d’élections souvent préfabriquées ? Et pour ne rien arranger, la poignée de convaincus est vite noyée dans les cercles de décision, vaincue même, par une horde d’opportunistes en mal de politique-spectacle ! 

Ils ont même juré, nos hommes politiques, main droite levée vers le ciel, qu’ils nous défendraient envers et contre tout, que notre confiance, jamais, ne sera prise au dépourvu. Ils nous ont fait tant de promesses qui sont finalement restées vaines, vides de sens, comme des mots creux que l’on aligne à l’envi pour tresser le collier de l’inaction…

Comment, aujourd’hui, refaire confiance aux politiques, ou plus exactement à ceux qui nous gouvernent, alors qu’ils ont échoué pour la plupart, depuis 62 ans d’indépendance, à mettre hardiment en œuvre des politiques qui nous rassemblent, nous élèvent sur le chemin des vertus, et nous dressent contre les défis qui, de toutes parts, nous assaillent ? Combien de nouveaux départs, de ruptures d’avec le passé, d’énoncés de bonnes intentions nous faudra-t-il avant qu’enfin, l’Homme soit vraiment au cœur des dynamiques de développement de nos pays et de nos sociétés en perte de vitesse et de valeurs ? 

CHANGER DE PARADIGME

Combien de plaidoyers nous faudra-t-il encore porter pour que nos acteurs politiques, non pas seulement quelques-uns, mais tous, soient de grands hommes, qui savent mettre en avant l’intérêt suprême des nations et des peuples ?

En ce 4 avril où résonnent les trompettes de l’indépendance, en 1960, du Sénégal, et où l’on commémore le 54e anniversaire de l’assassinat du pasteur noir-américain Martin Luther King, faisons tout de même, comme ce dernier, un rêve : celui de voir de nouveaux soleils d’une indépendance plus prometteuse se lever sur nos pays, après 62 longues années d’errements divers portés par des choix politiques inappropriés et opportunistes…

Et si on osait enfin changer vraiment, non plus du bout des lèvres, mais dans les actes quotidiens, de paradigme politique, social, économique pour nous émanciper de toutes ces habitudes qui colonisent notre être et nous collent à la peau ?

© Serge Mathias Tomondji
Ouagadougou, 4 avril 2022

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