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TRIBUNE/Environnement - DE LA COP 27 : Amère victoire et incertitude climatique

Sultan al-Jaber, ministre de l'Industrie des Émirats arabes unis, patron d'une compagnie pétrolière nationale et président de la COP 28 à Dubai
Sultan al-Jaber, ministre de l'Industrie des Émirats arabes unis, patron d'une compagnie pétrolière nationale et président de la COP 28 à Dubai.

Au fait, c’est quoi la COP 27 ? Poser une question peut paraître une provocation. Non, c’est une manière de jauger des sociétés amnésiques ou du spectacle. Mal et surinformées. Ladite COP est un événement qui a eu lieu il y a mois. Mais c’est déjà du passé pour une société, qui a perdu la mémoire et marquée par l’insomnie.  La Cop 27 est la dernière des conférences sur le changement climatique depuis le début de la décennie 1990 (inaugurée par le sommet de Rio en 1992). Elle a conclu le 20 novembre dernier sur un bilan très mitigé. 

Pourrait-on attendre un consensus entre les participants aux profils et contextes climatiques opposés ? Et des décisions de grande envergure ? Les rivalités et intérêts des Etats et des grands groupes industriels allaient s’estomper un peu pour une planète en danger sur tous les points. Les rivalités et les intérêts ont la peau dure. Malgré le discours pessimiste du Secrétaire général des Nations Unies et l’appel désespérant des petits pays insulaires, la préoccupation d’un changement climatique pour la majorité des pays, dans les négociations, on défend bec et ongle les intérêts nationaux et ceux des multinationales, polluantes et destructrices de l’environnement.

Le même scénario se répète depuis la première conférence sur le climat de Rio de Janeiro. Un discours optimiste et une conclusion, qui n’apporte rien de mieux à la dégradation climatique… Le changement climatique favorise l’émergence des maladies et de nouveaux virus, la nature perdant ses capacités de protection.

L’illusion d’une avancée

Affiche des Nations unies sur la COP 28

Les optimistes ont vu une avancée par la création d’un fonds pour financer les dégâts irréversibles dus au changement climatique. Mais c’est un fonds sans financement. Au moins pour le symbole, c’est une petite victoire de certains pays, surtout pour les petits pays insulaires ; qui sont les premières victimes du changement climatique. Ils ne sont pas les seuls. N’oublions pas les pluies qui ont dévasté le Pakistan en septembre 2022 ou les inondations mortelles suite à des pluies diluviennes en Europe centrale (Allemagne, Belgique, Pays-Bas...) l’été 2021. 

Pour rafraîchir la mémoire à beaucoup de personnes, ce fond est une promesse adoptée à la COP 15 de Copenhague de 2009. Les pays industrialisés avaient promu 100 milliards de dollars aux pays en développement. La promesse ne s’est jamais concrétisée. Est-ce un investissement, qui n’était pas rentable. On ne peut en douter. Comme disait Thomas Sankara, l’aide au développement et donc tout type d’aide est un investissement pour le donateur. Mais pour le Secrétaire général de l'ONU, l'aide financière n'est "pas une question de générosité, c'est une question de justice". 

C’est une victoire amère, parce qu’elle ne s’est pas matérialisée, ni défini le mécanisme d’attribution. Bien sûr ce n’est pas lors d’une rencontre que les participants allaient poser le fonctionnement du fameux fond.

Pour celles et ceux qui attendaient une avancée par rapport aux précédentes COP, c’est la déception, parce que les conclusions relèvent plus d’un progrès politique, que diplomatique. La preuve, c’est l’obsession du chiffre. Et le but, ce n’est pas d’atteindre, mais créer une croyance… Personne n’a pris au sérieux l’objectif de limitation à 1,5 Cº. Et pourtant on n’est pas loin d’atteindre une augmentation de 2 C° de la température dans le monde prochainement ; les prévisions ne sont pas rassurantes. Certains pourraient considérer que c’est une obsession. Le but, ce n’est pas d’atteindre, mais de créer une croyance. Mais c’est plus qu’une obsession pour Mia Amor Mottley, Premier Ministre de la Bardade, pour qui «la différence entre 1,5 C° et 2 Cº, c’est la différence entre la vie et la mort». 

Selon le climatologue belge, François Gemme, «plus le changement climatique s’accélère moins les efforts des Etats souvent, et plus on s’accroche à l’objectif de 1,5 C1. Mais c’est désormais complétement hors d’atteinte».

C’est redondant de dire que les participants d’une conférence comme celle-là n’ont pas les mêmes arguments, les mêmes poids et donc ne défendent pas la même position. Quelle a été la position des présidents africains dans les débats de cette COP ?

L’éternel refrain des dirigeants africains

Le discours occidental, tant journalistique que politique, est condescendant sur le continent et les sociétés africaines. Le changement climatique renforce ce discours. C’est dit-on le continent qui souffre le plus du changement climatique. 

Comme à l’accoutumée, ils ont montré leur désunion. Peut-on dire qu’ils avaient misé beaucoup sur cette rencontre banale, qui a lieu sur le continent ? Beaucoup ont eu des discours victimistes et/ou faisant le constat du changement, reprenant ainsi un refrain qu’on s’est habitué ces dernières décennies comme William Ruto du Kenya évoquant la fréquence des catastrophes naturelles (cyclones, les tempêtes tropicales, les vastes incendies, la fonte des glaces, la sécheresse et la désertification), la menace de l’augmentation des niveaux des eaux de mer et une destruction sans précédent. Par rapport à d’autres, il a donné des chiffres : 70 milliards de dollars de pertes économiques, dues aux catastrophes naturelles en Afrique, elles atteindront 50 milliards en 2050. D’autres se sont inscrits sur d’autres registres comme Macky Sall, selon lequel «il faut agir à Charm-el-Cheikh pour faire l’histoire et non la subir». Belle ambition d’un Président de l’Union Africaine. 

Pour sa part, le président Gabonais Ali Bongo Ondimba dont le pays avait organisé la semaine du climat en juillet au Gabon, avait mis l’accent sur les aspects de transparence, d’efficacité et de faisabilité du financement, notant que si chaque pays se concentre sur la lutte contre le changement climatique en réduisant les émissions, en améliorant l’agriculture et en augmentant l’innovation technologique ». Mais aussi l’adaptation aux changements climatiques, la transition énergétique et économique et pour récompenser (les) efforts de séquestration nette de carbone» de ces pays. La transparence commence par soi et par son pays. 

La préoccupation sur le changement climatique, la désertification, la disparition des lacs (le cas du Lac Tchad), les fleuves et rivières n’est pas récente pour certains dirigeants africains.  Il y a plusieurs décennies, des dirigeants du continent et leur syndicat, «ex OUA», ont décidé de prendre une mesure contre l’extension du désert, lequel a des conséquences multiples sur la vie des citoyens Africains : la muraille verte. L’objectif était de lutter contre les effets du changement climatique et de la désertification au Sahara et au Sahel. Qu’en est-il ? Aucune information sur le projet de cette grande muraille. Les discours restent des vœux pieux s’il n’y a pas d’actes concrets.

Les conclusions de ce sommet 

Affiche le LOGO de la COP 28 des Émirats arabes unis

C’est dans la précipitation qu’un accord final a été signé dans la nuit. Il est à la fois une avancée, mais symbolique et (surtout) une grosse déconvenue sur une question d’intérêt planétaire. 

Par rapport aux précédentes COP, les participants ont convenu de la création d’un fond dont le but est de financer les dégâts irréversibles dus au changement climatique. C’est une vieille promesse de Copenhague de 2009 de soutenir les pays à hauteur de 110 milliards d’€ par an.

La création de ce fond n’est qu’une illusion, parce que les conditions d’attribution et les pays bénéficiaires sont à déterminer. Les conditions et les pays pouvant bénéficier sont renvoyées à un «comité transition» qui le rendra opérationnel d’ici la fin de l’année prochaine, c’est-à-dire la COP 28, qui aura lieu à Dubaï en décembre 2023. Ce mécanisme est attendu depuis des années par les principaux pays concernés. Toutefois, le texte de l'accord ne prévoit aucune décision concernant le financement du fonds (nouvelle fenêtre).

L'accord n’impose pas des mesures contraignantes aux géants pollueurs que sont les Etats-Unis d’Amérique, la Chine, l’Arabie Saoudite, la Russie, l’Union Européenne, l’Inde, pour ne citer que ces pays où l’industrialisation a un impact négatif sur l’environnement et donc le climat. La question des subventions accordées par les États aux combustibles fossiles n’est pas abordée dans cet accord. 

Cette COP est intervenue dans un contexte de guerre, qui a des conséquences sur le gaz et le pétrole. Elle a mis en évidence la complexité de la géopolitique et les difficultés à réaliser la transition mondiale vers une économie décarbonnisée. La géopolitique, c’est aussi la constitution d’un groupe de pays aux intérêts opposés, le G77+Chine. La Chine étant l’un des grands pollueurs de la planète. 

Aussi surprenant que cela puisse paraître, les lobbyistes et représentants des groupes pétroliers ont montré leurs références écologiques. Mais ils défendaient leurs intérêts. La transition énergétique, occupant les discours de beaucoup de dirigeants constituent en fait ne menace claire pour leurs activités. Au cours de l'année à venir, l'industrie et ses sponsors étatiques continueront probablement à affirmer leur influence sur le processus. La désinformation restera un outil clé dans leurs opérations de lobbying. Nous ne devons pas laisser cela se produire.

Des progrès ont été accomplis dans la compréhension du problème et de la direction que doivent prendre les solutions, mais les dirigeants mondiaux doivent tourner la page sur les tensions (telles que l'invasion de l'Ukraine) et tirer le meilleur parti des nouveaux développements géopolitiques positifs, tels que le retour du Brésil sur la scène mondiale et le rapprochement climatique entre les États-Unis et la Chine.

La COP 27 n'a pas permis d'accélérer la lutte contre le changement climatique sans un accord sur les combustibles fossiles. Pour rappel, les pays les plus touchés par le réchauffement climatique sont les moins responsables des émissions de gaz à effet de serre.

Elle n’a pas été à la hauteur du financement des projets écologiques comme la lutte contre la désertification. Il n’y a eu aucun plan concret pour honorer la promesse de doubler le financement de l’adaptation d’ici 2025 qui était pourtant une demande clé du continent africain et indispensable pour s’adapter aux impacts climatiques dont souffrent ses populations.

Les pays industrialisés donneurs de leçons climatiques financent pourtant de nombreux projets de gaz fossile; ils profitent du vent et du soleil pour leurs projets d’hydrogène vert.

Dans un monde où plusieurs acteurs du monde financier ou plutôt de la spéculation financière, on ne peut réussir un changement d’économie et d’une industrie, respectueuse de la nature si le G7 et G20, les banques internationales et le FMI n’accompagnent pas ce projet. Ces «G» et les institutions financières ignorent les enjeux climatiques ; ils continuent de financer l’économie de la spéculation. Le vieux monde, basé sur les énergies fossiles, résiste encore ; car il a encore des puissants appuis institutionnels et financiers. 

L'accord conclu à Sharm el Sheikh ne s'est pas attaqué aux causes profondes des effets du changement climatique : l'utilisation de combustibles fossiles et la destruction de la nature.

Reprenant l’expression de la ministre congolaise de l’Environnement, «de qui se moque-t-on», avait lancé, outrée, au moment même où elle claquait la porte de la COP 27. En Egypte, il y a eu la réalisation d’un service minimum sur le réchauffement climatique. La principale préoccupation de l’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS). 

Avec un tel accord, on peut affirmer que les puissants continuent à polluer et les pauvres continueront à trinquer, subir encore les émissions de gaz des premiers. 

Il faut se rendre à l’évidence. Les objectifs scientifiques ne sont pas atteignables. Les scientifiques sont désarmés face à la puissance financière et technique des acteurs dominants du capitalisme destructeur.

La prochaine COP aura lieu à Dubaï entre le 30 novembre et le 12 décembre 2023. C’est un pays dont ses principales sources de revenu sont le gaz et le pétrole, donc un fervent défenseur des énergies fossiles, les plus contaminantes, ayant un impact destructeur sur l’environnement et un terreau de la spéculation de l’économie carbonnisée. Les émissions de CO2 liées à l'énergie aux Émirats arabes unis s'élevaient en 2019 à 18,22 t CO2 par habitant, soit 4,15 fois la moyenne mondiale et 26 % de plus qu'aux États-Unis. Et c’est sans surprise, que le ministre l'Industrie a été nommé le Président de la COP 28. Mais en plus d’occuper ce ministère, il est le PDG d'une compagnie pétrolière nationale. Il dirige aussi Masdar, l'entreprise émiratie d'énergies renouvelables. Un double personnage. 

Sa nomination montre bien la victoire du secteur pétrole, donc des énergies fossiles. Quel pessimisme ! La nature, le changement climatique, la transition écologique sont de beaux mots, qui décorent le discours sur le changement climatique, qui finalement n’est pas une forte préoccupation des dirigeants, qui n’agissent, mais spéculent.

Par BAHDON ABDILLAHI Mohamed

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