Après avoir délégué par procuration la gestion de la crise en Haïti à la Communauté des Caraïbes (CARICOM), la Communauté internationale tente de se rattraper. A commencer par les Etats-Unis qui a repris des liaisons humanitaires avec Port-au-Prince. Mais mieux vaut toujours tard que jamais. Depuis que le Conseil présidentiel de Transition (CPT) a prêté serment, les choses semblent désormais évoluer petit à petit…
Washington a enfin fait savoir que la crise en Haïti n’était pas à négliger. Et la Maison Blanche a raison d’indiquer qu’elle est tout aussi importante pour être mise sur la même échelle que les autres crises internationales, notamment à Gaza, en Ukraine et au Soudan. En joignant les actes aux paroles, la Présidence de Joe Biden a dépêché des avions militaires des États-Unis à destination de Port-au-Prince.
D’après les premières informations diffusées à propos de ces premiers avions militaires depuis que la situation s’est gravement détériorée à de Port-au-Prince, il s’est agi de cargaisons d’aide humanitaire. D’un montant de plusieurs millions de dollars et composés des équipements non létaux pour la police haïtienne a laissé entendre Brian Nichols, le secrétaire d’État adjoint chargé des affaires de l’hémisphère occidental.
Washington a, semble-t-il résolument et définitivement écarté l’option d’une intervention de ses militaires en Haïti. A l’exception d’un soutien logistique, les Américains n’ont aucune envie de prendre part à la future Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti (MMSS). Le Kenya du Président William Ruto qui a depuis toujours manifesté sa volonté de soutien à Haïti en assurera l’essentiel des troupes à fournir. Les États-Unis qui ont, à travers les départements d'État et de la Défense, annoncé une enveloppe de 300 millions de dollars, ont par ailleurs invité d‘autres pays à participer à cette mission destinée à intégrer et renforcer la Police haïtienne sous la houlette de l’ONU.
La contribution du Bénin en Haïti est un devoir moral
Le 17 avril dernier, le Président Patrice Talon du Bénin a nommé le Colonel Pamphile Zomahoun au poste d’Envoyé spécial du Bénin en Haïti. Officier de la Gendarmerie nationale du Bénin et formé à Saint-Cyr et à Melun, en France, il était jusqu’alors le Directeur des Servies de liaison et de Documentation (DSLD), les Services de Renseignements béninois.
Pour le compte de la future Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti (MMSS), le Bénin a décidé de fournir volontairement 2000 hommes. Lesquels seront pris dans les Forces armées du Bénin (FAB) et dans les différents corps, à savoir les Armées de terre, de l’air, la Marine et la Garde nationale. Le pays des Ancêtres de Toussaint Louverture (NDLR: le leader de la Révolution haïtienne) n’exclut d’y compléter sa contribution par des Policiers. Si le Bénin précise que ses contingents seront formés par des instructeurs béninois et étrangers avant leur départ, il ne précise pas quels sont ces formateurs étrangers cependant. Ce que l’on sait, c’est que le Bénin travaille en étroite collaboration avec les partenaires haïtiens mais aussi internationaux, en l’occurrence les États-Unis, le Brésil, le Canada et la Jamaïque, pour ne citer que ceux-là.
En raison des liens historiques et culturels qui lient Haïti au Bénin, il ne pouvait pas rester en marge. Et c’est d’ailleurs la moindre des choses que le régime de Patrice Talon pouvait faire quant à la contribution du pays des Bèhanzin, Bio Guera et Kaba (NDLR: les Trois Héros nationaux du Bénin) à la Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti (MMSS). A défaut de prendre le Commandement de la Mission en question.
La situation de crise sociopolitique en Haïti est révélatrice d’un passé que l’on croyait loin derrière des siècles : l’Esclavage et son corollaire sur l’Afrique Noire mais aussi les Amériques. Comme quoi les antécédents historiques ont toujours la vie dure dans la construction des peuples et de leurs identités. Même quand la volonté de résilience est indéfectible.
Rien ne peut séparer l’Afrique Noire de tous ses descendants disséminés à travers le monde à travers l’ignominieux commerce des Esclaves. Même pas la distance et les milliers de kilomètres qui peuvent séparer les nouveaux pays des Afro-descendants de leur Terre-Mère. On ne le dira jamais assez, l’Occident est largement comptable de ce triste passé. Et quel qu’ait pu être la part des collaborateurs locaux dans la triste histoire qui unit désormais l’Afrique Noire à l’Occident. Et, bien avant le Monde Arabe à l’Afrique, il ne faut jamais oublier de le souligner à chaque fois qu’il est question d’établir les responsabilités des uns et des autres. Les Arabes ayant été les premiers esclavagistes des Noirs.
Depuis son accession au pouvoir en 2016, Patrice Talon a transformé le Bénin de champion de la Démocratie en Afrique en une véritable Dictature d’un autre temps. Tout compte fait, on peut dire que la contribution du Bénin à la Mission multinationale de soutien à la sécurité en Haïti (MMSS) restera la seule action positive à mettre au compte de Patrice Talon et de son régime sur l’échiquier international. Et l’exemple de Haïti devrait du reste inspirer le Bénin et y compris le Rwanda de son ami Paul Kagame avec lequel il file la parfaite coopération sur les conséquences des antécédents dictatoriaux sur de petits pays comme les leurs. En effet, tout petit pays qui traine des antécédents dictatoriaux graves de son passé court toujours le grand risque de voir surgir ou resurgir à tout moment dans son avenir les conséquences les plus terribles et inimaginables de ces antécédents dictatoriaux graves mais refoulés. A l’instar de la crise des gangs que Haïti a connue et qui a déclenché la Transition politique que le Conseil présidentiel de Transition (CPT) devra maintenant gérer, avec le soutien de la Communauté internationale. Et l’Afrique Noire, au premier plan, pour assumer aussi sa part de responsabilités envers sa Diaspora partout à travers le monde
Par Marcus Boni Teiga
